B - La franchise ne figure plus dans le texte du nouveau Règlement

À la lecture du Règlement, on est frappé par le paradoxe suivant : alors que dans le Règlement n° 2790/99, le concept de la franchise n'apparaît pas en tant que tel, bien qu'elle bénéficiât auparavant d'un règlement spécifique. Les Lignes directrices qui elles, n'ont qu'une valeur interprétative, traitent de cette notion (30) (§ 1).

Que penser de lignes directrices qui interprètent une notion dont la définition ne figure pas dans le Règlement? Cette situation pourrait avoir certaines répercussions sur les contrats de distribution et, plus particulièrement, de franchise (§ 2).

§ 1 - Franchise: un simple mode de distribution ou un mode d'organisation ?
Le nouveau Règlement applique un traitement similaire à tous les accords verticaux dès lors qu'ils produisent des effets similaires sur le marché.
Bien qu'elle ne soit pas nommément désignée dans le Règlement, la franchise sera soumise à certaines conditions de ce texte.
Serait-ce parce que la Commission, par une vision prospective et anticipant les organisations futures, ne considère pas la Franchise comme un mode de distribution (ce qu'on approuve), mais comme un mode d'organisation? (1) ou parce que la franchise a été tout simplement banalisée, assimilée, malgré des différences substantielles, aux autres formes de distribution (2) ?



1) La franchise est une méthode de commerce moderne qui se fonde sur la réitération d'un concept « marketing»

Cette réitération porte sur une enseigne, une transmission de savoir-faire et une assistance continue.
Le concept de franchise est exploité dans le cadre d'un réseau par des partenaires investisseurs indépendants choisis pour leurs qualités entrepreneuriales et commerciales. Les composantes financières, marketing, managériales, humaines de la franchise sont complexes. La mise en place du concept nécessite d'importants investissements pour le franchiseur comme pour le franchisé, lesquels sont spécifiques à la franchise et doivent être protégés.

Pour atteindre cet objectif, le franchiseur doit :
- transmettre au franchisé un savoir-faire secret, substantiel et identifié, maintenu par le biais de l'assistance permanente pendant toute la durée du contrat et protégé par la clause de confidentialité,
- assurer l'homogénéité du réseau de distribution au moyen de l'obligation d'approvisionnement exclusif,
- déterminer une durée de contrat permettant un retour sur investissements, '
- instaurer une clause de non-concurrence pour éviter la divulgation du savoir-faire et protéger le réseau.

En fait, il semble que les autorités communautaires n'aient pas considéré la franchise comme une simple forme de distribution.
Dans le célèbre arrêt Pronuptia la CJCE a affirmé: « plutôt qu'un mode de distribution, il s'agit d'une manière d'exploiter financièrement, sans engager de capitaux propres, un ensemble de connaissances »,
Dans ses lignes directrices la Commission ne semble pas considérer la franchise comme un simple mode de distribution. Son approche est différente pour la distribution sélective ou distribution exclusive.

Ainsi, le point 200 des Lignes directrices précise: « En ce qui concerne les restrictions verticales à l'achat, à la vente et à la revente de biens et services relevant d'un accord de franchise, telles que la distribution sélective, l'obligation de non-concurrence ou la distribution exclusive, l'exemption s'applique lorsque... ». On peut en déduire que la franchise est un accord plus complexe susceptible d'inclure plusieurs formes de distribution plus simples lesquelles figurent, elles, de manière dissociée, dans le texte du Règlement.
Il est vrai que certaines franchises sont des systèmes de distribution comme dans le secteur du prêt-à-porter ou dans l'alimentaire tels les Promodès ou Casino...

La vraie franchise réside dans le service et le commerce électronique (Intemet) va pousser dans ce sens. La Commission européenne en a vraisemblablement eu l'intuition. Cela permettrait ainsi à la franchise française de rejoindre enfin - l'idéologie américaine: « Franchising is a certain Way of doing business » (La franchise est une certaine manière de faire des affaires) (31).

 
2) La franchise ne peut pas être assimilée aux autres formes de distribution

Traiter la franchise comme une forme d'accords de distribution est réducteur car la franchise ne peut être assimilée ni à la distribution sélective, ni à la distribution exclusive.

-    La distribution sélective s'applique à la distribution des produits. Considérer la franchise comme une forme de distribution sélective pose le problème du sort de toute la franchise de services et des différentes formes de franchise qui se trouvent à la croisée de la franchise de distribution et de la franchise de services (par ex. : restauration, réparation automobile, hôtellerie).Par ailleurs, les critères objectifs relatifs à la présentation et à la vente du produit ne sont pas les principaux critères s'appliquant à la sélection d'un franchisé. Bien que les investissements spécifiques à la franchise imposent au franchiseur de définir de manière objective un profil type de franchisé (qualités commerciales et humaines, capacités financières, notamment), il n'en demeure pas moins que l'appréciation de ces qualités comporte une grande part de subjectivité.

-    La franchise n'est pas non plus, une forme de distribution exclusive. Il existe entre les contrats de concession exclusive et de franchise un certain nombre de points communs (licence de marque et/ou d'enseigne, éventuellement une exclusivité territoriale et/ou d'approvisionnement...) qui a conduit certains auteurs à les confondre (32) ou à considérer la franchise comme une simple « variante» de la concession (33) ou encore la forme la plus récente de ce contrat (34). La franchise, longtemps considérée comme une simple variante du contrat de concession exclusive, a incontestablement acquis sa physionomie propre (35). La distinction entre concession exclusive et franchise repose, pour l'essentiel, sur l'existence, dans la franchise, d'une assistance du franchiseur au franchisé : le contrat de franchise a principalement pour objet la mise à disposition du franchisé des signes distinctifs, des méthodes commerciales ou techniques éprouvées qui ont fait le succès du franchiseur, et la transmission permanente de ce savoir-faire du franchiseur au franchisé. Tel n'est pas l'objet du contrat de concession exclusive, qui peut se concevoir sans assistance ni transfert de connaissances ou de techniques du concédant au concessionnaire.

Enfin, alors que la concession commerciale est toujours un accord de distribution, c'est-à-dire une convention conclue entre un fournisseur et un distributeur, le premier confiant au second la vente de ses produits, seule la franchise de distribution a pour objet la vente de produits. La franchise industrielle et la franchise de services ne constituent pas des accords de distribution.

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(30) Cf. Gast. : Les réseaux commerciaux: Lettre européenne 1er  trim. 2000.
(31) O. Gast, La Full Disclosure ou la loi américaine sur la franchise, RTD com. 1982.
(32) J. Guyénot. Qu'est-ce que le franchising ? , Dunod 1973, p. 11
(33) Ph. Malaurie el L. Aynès, Droit civil, Les contrats spéciaux, 2e éd. 1988, n° 832.
(34) Ph. Le Tourneau. J.-Cl. Contrats de distribution, fasc. 520 : Les techniques contractuelles d'implantation à l'étranger, Gaz. Pal. 21 et 22janv. 1994, p. 2.
(35) O. Gast. La clause d'exclusivité territoriale est-elle essentielle au contrat de franchise, Pet. aff., 29 juill. 1987 : Concession et franchise : les éléments du choix, Business & franchise, n° 1, avr. /987.
J. Thréard, En toute franchise et sans concession, Les presses du management, 1989.


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