B - Donner tout son « effet utile » au contrat de franchise
Le devoir de bonne foi, de loyauté ou de fraternité contractuelle, dont les solidaristes se sont fait les promoteurs, ne nous apparaît pas un principe pertinent pour évaluer l'équilibre et la justice devant présider à la formation et à l'exécution des conventions de franchise, Ce type de contrat ne peut en effet être réellement perçu dans un paradigme éristique, lequel voit la prédominance des rapports de domination et de conflit perspective dans laquelle se situent les solidaristes - même s'il s'agit pour ces derniers de les dépasser par la solidarité et la fraternité contractuelles. Il convient au contraire de situer ceux-ci dans une vision fonctionnaliste, vision cherchant, par delà les différences de position et de pouvoir des parties, à intégrer ces relations contractuelles spécifiques dans une perspective d'efficacité. Il nous semble en effet que l'exigence de justice contractuelle dans les conventions de franchisage n'est jamais mieux remplie que lorsque le contrat déploie, de manière maximale, l'ensemble des potentialités et des effets auquel, de par leurs engagements réciproques, mais dissemblables dans leur nature et dans leur intensité, les parties s'attendent et pour lequel celles-ci se sont engagées. Il s'agit donc de donner à ce type de convention tout son « effet utile ».
Dans cette optique, ce que l'on peut concevoir dans une conception exagérément agonistique comme relevant d'une relation de domination doit être considéré dans le cadre de la franchise comme l'encadrement de l'autonomie du franchisé. Mais cet encadrement nécessaire doit être connu du franchisé, dans tous ses aspects, avant même que de souscrire aux obligations prévues par la convention en cause. C'est pourquoi le franchiseur doit veiller à éclairer, en coopération avec le franchisé, le consentement de celui-ci. De là découle l'obligation spéciale d'information pré-contractuelle mise à la charge du franchiseur. Enfin, un guide sûr permet de délimiter précisément l'étendue et les modalités de l'exécution du contrat de franchise: sa cause. Cette dernière permet en effet de déterminer le véritable équilibre entre les prestations des parties, sur une base combinant éléments objectifs ct appréciations subjectives, lesquels peuvent être facilement soumis au contrôle des tribunaux, bien plus que ne le saurait la notion de « bonne foi ».
Dans cette optique, ce que l'on peut concevoir dans une conception exagérément agonistique comme relevant d'une relation de domination doit être considéré dans le cadre de la franchise comme l'encadrement de l'autonomie du franchisé. Mais cet encadrement nécessaire doit être connu du franchisé, dans tous ses aspects, avant même que de souscrire aux obligations prévues par la convention en cause. C'est pourquoi le franchiseur doit veiller à éclairer, en coopération avec le franchisé, le consentement de celui-ci. De là découle l'obligation spéciale d'information pré-contractuelle mise à la charge du franchiseur. Enfin, un guide sûr permet de délimiter précisément l'étendue et les modalités de l'exécution du contrat de franchise: sa cause. Cette dernière permet en effet de déterminer le véritable équilibre entre les prestations des parties, sur une base combinant éléments objectifs ct appréciations subjectives, lesquels peuvent être facilement soumis au contrôle des tribunaux, bien plus que ne le saurait la notion de « bonne foi ».
1 - L'encadrement de l'autonomie des franchisés
Il paraît évident que la nature même du contrat de franchise place le franchisé dans une situation de dépendance technique par rapport au franchiseur, dépendance qui peut se décliner sous l'angle économique, du fait de la nécessaire primauté organisationnelle du franchiseur. De la même manière, les contrôles opérés par le franchiseur sur la réitération du savoir-faire vont a priori à l'encontre des prérogatives reconnues à un commerçant indépendant. Or, la jurisprudence consacre l'indépendance du commerçant franchisé qui invite à introduire le concept de l'encadrement de l'autonomie du franchisé. Couplée à la notion de différenciation fonctionnelle au sein des réseaux de franchise précédemment introduite, il conduit à récuser plus fermement encore les termes de domination, de dépendance ou de subordination.
L'autonomie des franchisés est encadrée, mais pas aliénée à une quelconque hégémonie du franchiseur. En effet, les limitations apportées par le franchiseur dans la gestion quotidienne des unités franchisées ont été justifiées et consacrées par la Cour de Cassation dans l'arrêt Phildar (84) ; elles doivent s'avérer indispensables à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau de franchise (85). La stricte appréciation de ce critère de la protection de l'image de marque du réseau nous con forte dans l'hypothèse que l'autonomie du franchisé, bien que contrainte, reste un élément essentiel caractérisant les conventions de franchisage. La jurisprudence sanctionne ainsi toute atteinte à l'autonomie encadrée du franchisé, lorsque ces atteintes ne se voient pas justifiées par la nécessité d'assurer le fonctionnement optimal du réseau.
Deux cas de figure se présentent alors.
D'une part, il peut arriver que le contrat de franchisage serve à dissimuler un contrat de travail de la part d'un employeur indélicat, cherchant à éviter de supporter les contraintes imposées pal' le droit du travail et le poids des charges sociales. Il s'agit ici d'une franche dénaturation du contrat de franchise, Il en résulte un « contentieux de qualification » (86). Il incombe aux tribunaux de procéder à une appréciation globale de la relation contractuelle (87).
Deuxième cas de figure de la limitation trop forte de l'autonomie du franchisé; l'immixtion du franchiseur dans la direction de la société franchisée. Plus discrète, l'immixtion consiste à intervenir dans la gestion quotidienne, au-delà des obligations incombant au franchiseur dans le cadre du contrôle de la réitération fidèle du concept transmis. Ainsi, dans un arrêt du 23 mai 1978, la Cour d'Appel de Rouen a relevé que
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L'autonomie des franchisés est encadrée, mais pas aliénée à une quelconque hégémonie du franchiseur. En effet, les limitations apportées par le franchiseur dans la gestion quotidienne des unités franchisées ont été justifiées et consacrées par la Cour de Cassation dans l'arrêt Phildar (84) ; elles doivent s'avérer indispensables à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau de franchise (85). La stricte appréciation de ce critère de la protection de l'image de marque du réseau nous con forte dans l'hypothèse que l'autonomie du franchisé, bien que contrainte, reste un élément essentiel caractérisant les conventions de franchisage. La jurisprudence sanctionne ainsi toute atteinte à l'autonomie encadrée du franchisé, lorsque ces atteintes ne se voient pas justifiées par la nécessité d'assurer le fonctionnement optimal du réseau.
Deux cas de figure se présentent alors.
D'une part, il peut arriver que le contrat de franchisage serve à dissimuler un contrat de travail de la part d'un employeur indélicat, cherchant à éviter de supporter les contraintes imposées pal' le droit du travail et le poids des charges sociales. Il s'agit ici d'une franche dénaturation du contrat de franchise, Il en résulte un « contentieux de qualification » (86). Il incombe aux tribunaux de procéder à une appréciation globale de la relation contractuelle (87).
Deuxième cas de figure de la limitation trop forte de l'autonomie du franchisé; l'immixtion du franchiseur dans la direction de la société franchisée. Plus discrète, l'immixtion consiste à intervenir dans la gestion quotidienne, au-delà des obligations incombant au franchiseur dans le cadre du contrôle de la réitération fidèle du concept transmis. Ainsi, dans un arrêt du 23 mai 1978, la Cour d'Appel de Rouen a relevé que
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2 - L'exigence de l'information préalable des franchisés
C'est par reconnaissance de la prééminence du franchiseur, et pour atténuer les abus éventuels nés de celle-ci, que le législateur a mis à la charge de celui-ci une obligation spéciale d'information pré-contractuelle, Il ne l'a pas fait pour restaurer un quelconque équilibre entre les deux cocontractants lors de l'exécution du contrat, ce qui n'a pas de sens au vu de la différenciation fonctionnelle qui s'opère nécessairement entre eux, mais pour s'assurer que le franchisé prend, en toute connaissance de cause et librement, la décision qui est la meilleure pour lui: contracter ou non, dans ce réseau ou chez un concurrent. Il faut souligner qu'à notre sens, la loi Doubin (90), puisque c'est d'elle dont il s'agit, aujourd'hui inscrite dans le Code de commerce à l'article L.
330-3, n'a aucune vocation « égalitariste» au regard de la personne des contractants.
Il s'agit simplement, mais là réside l'essentiel, d'éclairer le consentement du candidat et de permettre au contrat visé de déployer toute l'intensité de ses effets. De la sorte, cette obligation pré-contractuelle d'information apparaît comme un mécanisme de prévention préalable de tout vice du consentement plus efficace que ne le permettraient les solutions issues de la jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de dol ou de réticence dolosive (91).
Ainsi, après des hésitations palpables quant au caractère automatique ou non de la nullité pour méconnaissance de J'obligation d'information pré-contractuelle (92), la Cour de Cassation s'est prononcée en défaveur de la nullité automatique, Celle-ci exige en effet que soit recherché si le défaut d'information pré-contractuelle a eu pour effet de vicier le consentement du créancier de l'information (93), Elle censure ainsi les arrêts qui décident que l'omission de la transmission de l'information suffit à rendre admissible J'action en nullité, ce, sans rechercher l'existence d'une altération du consentement. Les appréciations de cette position jurisprudentielles restent partagées (94). Pour notre part, il nous semble que cette jurisprudence renvoie parfaitement à la réalité de l'obligation imposée par la loi Doubin, l'examen exigé pal' la Cour de Cassation visant à s'assurer que le candidat été mis en mesure de prendre son engagement conventionnel en parfaite connaissance de cause.
330-3, n'a aucune vocation « égalitariste» au regard de la personne des contractants.
Il s'agit simplement, mais là réside l'essentiel, d'éclairer le consentement du candidat et de permettre au contrat visé de déployer toute l'intensité de ses effets. De la sorte, cette obligation pré-contractuelle d'information apparaît comme un mécanisme de prévention préalable de tout vice du consentement plus efficace que ne le permettraient les solutions issues de la jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de dol ou de réticence dolosive (91).
Ainsi, après des hésitations palpables quant au caractère automatique ou non de la nullité pour méconnaissance de J'obligation d'information pré-contractuelle (92), la Cour de Cassation s'est prononcée en défaveur de la nullité automatique, Celle-ci exige en effet que soit recherché si le défaut d'information pré-contractuelle a eu pour effet de vicier le consentement du créancier de l'information (93), Elle censure ainsi les arrêts qui décident que l'omission de la transmission de l'information suffit à rendre admissible J'action en nullité, ce, sans rechercher l'existence d'une altération du consentement. Les appréciations de cette position jurisprudentielles restent partagées (94). Pour notre part, il nous semble que cette jurisprudence renvoie parfaitement à la réalité de l'obligation imposée par la loi Doubin, l'examen exigé pal' la Cour de Cassation visant à s'assurer que le candidat été mis en mesure de prendre son engagement conventionnel en parfaite connaissance de cause.
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82) CA Bordeaux, 1er juin 1988, PA, 12 juin 1988, n° 70, p. 15.
83) Cass.com., 3 Juillet 1990, n°87-20.028.
84) Cass. Com., 10 janvier 1995; O. Gast, « Les clauses d'approvisionnement exclusif sous haute surveillance », PA, 5 mai 1995 et « L'affaire Phildar ou le nouveau régime juridique des clauses d'approvisionnement exclusif », O. aff. 1996, n°6, p.172.
85) Cass. Com., 10 janvier 1995, précité; la Haute Juridiction fait cependant une application stricte de ce critère d'identité en cherchant a « imposer
86) J·M. leloup préc. n° 1236.
87) Cass. com., 17 avril 1991, n° 88-40, 121.
88) Note G. Notte. JCP édition G. 1979, II. 19235.
89) Cass., 9 novembre 1993, Reig c/ Plantagenet et BRMC. JCP-E. 1994, 612. note G. Virassamy.
90) Voir, pour une analyse détaillée de celle-ci, O.Gast, « Le guide pratique de la Loi Doubin », PA. n° 51, 29 avril 1991, p. 8 et s..
92) Voir pour un bref historique, M. Behar-Touchais, G. Virassamy, Les contrats de distribution, préc. n° 68.
91) J. Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, préc. n° 619.
93) Cass. Com., 10 février 1998, Société ED le Maraîcher et autres, Bull. civ., 1998, IV, n° 252, p. 220,
94) Voir ainsi M. Behar-Touchais, G. Virassamy préc. n° 70 et suivants; O. TIcquant, « Rétablir l'autorité de la loi ... Doubin », Dalloz, 2002, Jurisprudence, somm. Com., n°33, p. 2597; S. Regnault. « La tentation d'autoritarisme de la loi Doubin » ; PA, n° 8, 10 janvier 2003, p. 13.
84) Cass. Com., 10 janvier 1995; O. Gast, « Les clauses d'approvisionnement exclusif sous haute surveillance », PA, 5 mai 1995 et « L'affaire Phildar ou le nouveau régime juridique des clauses d'approvisionnement exclusif », O. aff. 1996, n°6, p.172.
85) Cass. Com., 10 janvier 1995, précité; la Haute Juridiction fait cependant une application stricte de ce critère d'identité en cherchant a « imposer
86) J·M. leloup préc. n° 1236.
87) Cass. com., 17 avril 1991, n° 88-40, 121.
88) Note G. Notte. JCP édition G. 1979, II. 19235.
89) Cass., 9 novembre 1993, Reig c/ Plantagenet et BRMC. JCP-E. 1994, 612. note G. Virassamy.
90) Voir, pour une analyse détaillée de celle-ci, O.Gast, « Le guide pratique de la Loi Doubin », PA. n° 51, 29 avril 1991, p. 8 et s..
92) Voir pour un bref historique, M. Behar-Touchais, G. Virassamy, Les contrats de distribution, préc. n° 68.
91) J. Ghestin, Traité de droit civil, La formation du contrat, préc. n° 619.
93) Cass. Com., 10 février 1998, Société ED le Maraîcher et autres, Bull. civ., 1998, IV, n° 252, p. 220,
94) Voir ainsi M. Behar-Touchais, G. Virassamy préc. n° 70 et suivants; O. TIcquant, « Rétablir l'autorité de la loi ... Doubin », Dalloz, 2002, Jurisprudence, somm. Com., n°33, p. 2597; S. Regnault. « La tentation d'autoritarisme de la loi Doubin » ; PA, n° 8, 10 janvier 2003, p. 13.
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