Franchise. Idée commerciale. Reconnaissance. Protection. Valeur de l'idée commerciale. Identité du réseau de franchise. Protection. Actions. Actions en concurrence déloyale.
Le franchisé, tenu à l'expiration du contrat de franchise à une obligation postcontractuelle de non-concurrence, se doit alors de cesser d'exploiter le savoir-faire du franchiseur.
Trib, comn, Paris
22 Juin 1993
Sté Gérome Coiffure
c/ Bibolet
LE TRIBUNAL (EXTRAITS) :
1. Sur l'exception d'incompétence soulevée par M. Bibolet :
(...)
2. Sur les obligations postcontractuelles des défendeurs:
Attendu que chacun des conntrats stipulait que:
- pendant les 2 ans qui suivraient son expiration, le salon ne pourrait être franchisé
et/ou affilié et/ou associé sous quelque forme que ce soit, même de façon occulte, à un
quelconque groupement et/ou association et/ou réseau et/ou autres strUctures de coopération que ce soit qui auraient notamment pour effet d'en permettre l'exploitation sous une enseigne commune à un ou plusieurs autres salons de coiffure, que le franchisé en soit ou non directement ou indirectement propriétaire en tout ou partie ou par personne interposée (art. 6 : non-concurrence, sous-art. 6-7) ;
- pour la durée du contrat et après son expiration, le franchisé s'engageait à ne révéler
aucun des secrets commerciaux et techniques constitutifs du savoir-faire du franchiseur. et à ne les utiliser directement ou indirectement dans aUCune entreprise autre que le salon objet du contrat ou le franchisé et/ou l'un de ses associé et/ou l'un de ses dirigeants aurait un intérêt direct ou indirect aussi bien en qualité de propriétaire, d 'associé d' actionnaire, d'administrateur, d'employé, de dirigeant, de consultant ou à quelque autre titre que ce soit (art. 9 : confidentialité du savoir-faire) ;
- à l'expiration du contrat, le franchisé s'engageait à cesser immédiatement d'exploiter
son salon selon les styles et les normes des salons Jean Louis David (art. 20: conséquences de l'expiration) et notamment à:
• faire disparaître à l'intérieur comme à l'extérieur de son salon tous signes distinctifs d'un salon Jean Louis David ainsi que, s' il prenait l'initiatiVe de la rupturen les installations aménagements, éléments de décoration, matériels et équipements qui en constituent la spécificité quand bien même il ne les aurait pas entièrement amortis comptablement ;
• faire le nécessaire pour éviter pendant 8 ans toute divulgation des savoir-faire.
Attendu que les parties s'opposent d'abord longuement sur les raisons qui ont pu conduire M. Bibolet à résilier tous les contrats; que ce débat est toutefois sans intérêt dans le
présent litige qui a trait à l'exécution des engagements pris par les franchisés pour la période postcontracttuelle ;
Attendu qu'à cet égard la société Gérome Coiffure fait en substance et à titre principal
grief à ses anciens franchisés:
- d'avoir violé leur obligation de non-concurrence en exploitant chacun leur salon sous l'enseigne commune "Luc Bibolet", les sociétés Naba, Trina et Cléra figurant de surcroît toujours au R.C.S. sous la dénomination" Jean Louis David» ;
- d'avoir violé leur obligation de confidentialité du savoir-faire en continuant à appliquer et même en divulguant les méthodes mises au point par le franchiseur, au lieu de cesser d' en faire usage, et en aménageant leur salon avec un aspect similaire à, celui des salons Jean Louis David, favorisant de surcroît sciemment une confusion avec l'ancien franchiseur.
2.1. Sur la violation de l'obligation de non-concurrence :
Attendu que les défendeurs font valoir que:
- M. Bibolet n'a pas rejoint un autre groupement ou une autre association concurrente de Gérome Coiffure : il a tout simplement quitté la fraochise en décidant d'exploiter sous son nom patronymique, Comme le font tous les coiffeurs, les salons qu'il avait créés;
- Monsieur Bibolet a tout fait pour se démarquer de son ancienne image Jean Louis David, dépensant notamment plus de 1.130.000 F H.T. (dont 1.010.000 F financés par prêts bancaires) pour réaménager tous ses salons et modifier leur aspect intérieur et extérieur: plancher, miroiterie. mobilier, enseigne, vitrine, couleur bleu dur inutilisée par Jean Louis David dont le concept Diffusion est à forte dominante noir; il a ainsi dès début avril 1991 comme l'établissement deux COnstats d'huissier, fait disparaître tous signes pouvant créer une: confusion, en particulier la dénomination Jean Louis David des salons des sociétés Naha, Trina et Cléra, ainsi que le confirmèrent à effet rétroactif du 1er avril 1991 une assemblée de chacun d'elles en date du 30 avril 1992; quant aux quelques éléments de mobilier qui sont restés inchangés, ils ne Portent aUCUne marque suscepuble de confusion, et l'article 20-1 des contrats stipulait bien que le franchisé pourait conserver le matériel, le mobilier et les équipements qui ne seraient pas comptablement amortis ;
Mais attendu que:
- l'enseigne est un signe extérieur qui permet d'individualiser un magasin, et peut être composée du nom patronymique du commerçant ;
- c'est effectivement sous l'enseigne "Luc Bibolet" que M. Bibolet, qui le déclare lui-même page 4 dernier alinéa de ses conclusions le 2 décembre 1992, a exploité tous
ses salons ;
- M. Bibolet ne pouvait certes être privé du droit d'utiliser cette enseigne pour le salon en nom personnel 17 rue de la Marne a Nantes ;
- en revanche,. l'utilisation de la même enseigne pour les salons exploités par ses sociétés l'a été jusqu'au 31 mars 1993, date d'expiration de la période postcontractuelle de deux ans stipulée, en violation manifeste de l'interdiction faite à chaque société (tout comme à M. Bibolet), par l'article 6-7 de son contrat, d'exploiter son salon sous une enseigne cormmune ), à un où plusieurs salons ;
- ce faisant, et comme il résulte de toutes les mesures qu'il déclare avoir prises pour se démarquer du réseau Jean Louis David, M. Bibolet a tout bonnement instauré et même commencé a développer sur le plan régional un réseau concurrent homogène et immédiatement opérationnel et a gravement méconnu une interdiction temporaire qui, destinée à assurer la légitime protection des intérêts du franchiseur, trouve elle-même sa source dans les règles de concurrence loyale fondant dans toute franchise les relations postcontractuelles des parties;
Attendu cependant que l'interdiction a pris fin le 1 avril 1993; qu'il n'y a donc plus lieu d'ordonner sous astreinte le retrait de l'enseigne "Luc Bibolet" sur les 9 salons ni d'incerdire aux défendeurs toute exploitation de plusieurs salons sous une enseigne commune; qu'il sera par contre statué plus loin sur le préjudice subi par la société Gérome Coiffure;
2.2. Sur la violation de l'obligation de confidentialité du savoir-faire :
Attendu que la société Gérome Coiffure reproche aux défendeurs de n'avoir pas cessé d'utiliser le 1er avril 1991 son savoir-faire commercial et technique, et tout au contraire de l'avoir divulgué à d'autres personnes, plus particulièrement celles qui travaillent dans les salons; qu'elle ajoute que, outre la similitude déjà évoquée de l'aspect des salons Luc Bibolet par rapport à ceux du réseau Jean Louis David, les publicités Bibolet ressemblent étrangement à celles de Jean Louis David; que des cartes promotionnelles dont ce dernier a eu l'idée originale ont été utilisées; qu'en bref les défendeurs n'auraient rien dû conserver, dans la présentation de leurs salons, du pouvoir attractif de leur ancien réseau;
Mais attendu que, si la société Gérome Coiffure produit des documents qui étatbissent incontestablement la réalité d'un savoir-faire que les défendeurs discutent maintenant à tort, il reste que:
- M. Bibolet a, sur le plan commercial, fait disparaître de ses salons tout signe pouvant
prêter à confusion tandis que leur aspect extérieur et intérieur se distingue de celui du réseau Jean Louis David et qu'il n'a fait qu'utiliser les moyens de publicité communément retenus par tous les coiffeurs (dépliants de coupes-types cartes promotionnelles de réduction à des conditions préservant ses intérèts comme ceux de son ancien franchiseur) de même qu'un concept Quick déjà répandu;
- la société Gérome Coiffure, sur le plan technique, n'établit pas que M. Bibolet, professionnel de longue date pouvant compter sur une compétence et un « tour de main personnels, n'a pas cessé d'exploiter son savoir-faire (méthodes et modèles de coupes, etc ,.) pour de surcroît le divulguer à des tiers ;
- Attendu cependant que les défendeurs, comme déjà évoqué, reconnaissent avoir conservé du mobilier Jean Louis David ne portant aucune marque alors que, la rupture des contratS ayant eu lieu à leur initiative, ce mobilier, même non encore entièrement amorti comptablement aurait dû aux termes de l' article 20-2 des contrats disparaitre de leurs
salons ;
Anendu qu'en conséquence les défendeurs n'encourent de responsabilité que de ce dernier
chef; qu'il en sera tenu compte ci-après dans l'appréciation du préjudice subi par la société Gérome Coiffure.
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