Atelier du CEDRE Mardi 13 décembre 2011 : Droit de l'environnement et Négociations fournisseurs (LME)
« DROIT DE L'ENVIRONNEMENT ET NEGOCIATIONS FOURNISSEURS (LME) »
Comment utiliser le droit de l'environnement pour mieux négocier avec vos fournisseurs dans le cadre de la convention unique de la Loi LME ? Le droit de l'environnement peut vous permettre d'améliorer vos conditions d'achats avec vos fournisseurs (utile en cette période de fin d'année où les franchiseurs renégocient leur convention unique). |
17h00 : Accueil des participants
17h15 : Introduction : Comment le droit de l’environnement pénètre-il le droit des négociations franchiseurs-fournisseurs (LME) ?
Me Olivia Gast, Avocat à la Cour, Gast & Menguy
17h45 : Convention unique. Bilan annuel des négociations franchiseurs-fournisseurs-franchisés. Etat des lieux jurisprudentiels.
Me Gilles Menguy, Avocat & Solicitor, Gast & Menguy
18h45 : Table ronde : Comment utiliser le droit de l’environnement dans vos négociations face à vos fournisseurs ? (Cas pratiques)
Me Olivia Gast, Avocat à la Cour, Gast & Menguy
Me Gilles Menguy, Avocat & Solicitor, Gast & Menguy
19h45 : Conclusion : Droit de l’environnement et directives européennes (REACH)
Elisabeth Lefranc, Ingénieur Conseil en Environnement (senior regulatory expert), L’Oréal
20h15 : Cocktail
Compte-rendu technique : le règlement "REACh"
A l’occasion du dernier atelier de l’année, le CEDRE a souhaité évoquer un thème au goût du jour tant sur le plan politique que sur le plan réglementaire : les problématiques environnementales dans le monde des affaires.
La Conférence de Durban qui s’est tenue du 28 novembre au 11 décembre 2011 a fixé un nouveau cadre mondial dans la lutte contre le changement climatique et démontre une fois de plus que les préoccupations environnementales et écologiques sont aujourd’hui au cœur des débats politiques.
En effet, l’évolution législative tend vers la fixation de normes toujours plus contraignantes avec des sanctions à la clé. Les grandes industries sont les premières touchées…
Introduction : comment le droit de l’environnement pénètre-t-il le monde de l’entreprise ? par Me Olivia GAST, Avocat à la Cour
Alors que la loi Grenelle II promulguée le 12 juillet 2010 n’a donné lieu à ce jour qu’à peu de décrets d’application, de nouveaux textes devraient voir le jour très prochainement. Voici un panorama des nouvelles obligations auxquelles sont soumises les entreprises en matière de droit de l’environnement.
• La loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques) de 2001 impose une obligation de reporting social et environnemental aux sociétés françaises cotées. Ce reporting vise à inciter les entreprises à rendre compte de leur responsabilité sociale et environnementale dans le cadre de leur activité commerciale et dans leurs relations avec les parties prenantes.
Un nouveau projet de décret vise à étendre cette obligation aux entreprises de plus de 500 salariés réalisant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires (article L. 225-102-1 du Code de commerce) d’ici 2013. Il donne des pistes aux entreprises afin de les guider dans l’établissement de ce reporting extra-financier, par exemple en proposant cinq grands thèmes pour le volet environnemental : la politique générale en matière environnementale, l’utilisation durable des ressources, la contribution à l’adaptation et à la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité et la pollution et la gestion des déchets.
Un dispositif de contrôle des informations par un organisme indépendant est prévu, mais en l’état du projet aucune sanction n’est prévue en cas d’information erronée ou manquante, si ce n’est la sanction par les actionnaires au vu de l’avis de l’organisme indépendant.
Concrètement, la responsabilisation des entreprises en matière environnementale peut passer par des solutions très diverses : la valorisation de l’engagement des salariés, leur sensibilisation aux problématiques environnementales, la labellisation des produits, la mise en place d’une gestion raisonnée des déchets et d’une politique de diminution de dépenses d’énergie, la création de postes en télétravail, l’utilisation des Green IT (ordinateurs à faible dépense en énergie, data center, mutualisation des données informatiques via le cloud computing)…
• En termes de nouveautés réglementaires, il convient de relever qu’un décret paru le 25 octobre 2011 pose une obligation d’affichage des émissions de CO² dans les transports, obligation qui concerne tant les entreprises de transport de personnes que de marchandises, les entreprises de déménagement, les taxis...
• Par ailleurs, un décret du 11 juillet 2011 est venu redéfinir les catégories de déchets, en les classant en fonction de leur dangerosité et non plus de leur producteur. Ce décret marque l’abandon d’une logique d’élimination des déchets pour renforcer les obligations relatives à la prévention (écoconception) et à la gestion des déchets (les secteurs du BTP et du transport de déchets sont particulièrement concernés).
Les entreprises ont désormais l’obligation de faire valoriser et retraiter leurs déchets, notamment les emballages, en faisant appel soit à un éco-organisme agréé, soit à la collectivité, en fonction de la quantité de déchets produits (1100 L/ semaine).
Une nouvelle obligation relative au traitement des biodéchets vient toucher les entreprises de commerce alimentaire, restauration collective, entretien des espaces verts et industrie agro-alimentaire d’ici 2016.
Pour Olivia GAST, les franchiseurs devraient anticiper la gestion des déchets et le reporting social et environnemental, au travers de l’intégration dans leur stratégie de l’aspect environnemental afin de distancer la concurrence.
Convention unique : bilan annuel des négociations franchiseurs-fournisseurs-franchisés. – par Me Gilles Menguy, Avocat & Solicitor
Le franchiseur porte la responsabilité d’assurer une réputation et une image de marque sur son secteur. Il doit se battre pour placer son enseigne dans une situation de compétition. Dès lors, comment un franchiseur peut-il utiliser le droit de l’environnement pour obtenir et conserver le leadership sur son marché ?
Selon Gilles MENGUY, il existe 3 niveaux de préoccupation pour le franchiseur :
- les relations avec le consommateur ;
- les relations avec le fournisseur ;
- les relations avec le fabricant (règlement REACh).
Aux Etats-Unis, le sujet de l’environnement intervient directement dans le combat économique et est utilisé pour accroitre la compétitivité des entreprises. En effet, des grandes enseignes telles que Nike, Walmart, Patagonia ou Gap ont créé un indice mesurant l’impact environnemental de l’industrie textile, ce qui leur permet de placer tous les opérateurs dans une logique de concurrence directe sur le terrain de la responsabilité environnementale. L’objectif de ces enseignes est de se prévaloir de cet indice pour attirer le consommateur.
Selon Gilles MENGUY, il est fortement conseillé aux franchiseurs qui souhaitent accroitre leur performance et leur compétitivité de créer des postes d’expert en environnement au sein même de leur entreprise ou d’externaliser le service en se faisant assister de conseils en droit de l’environnement.
En effet, les consommateurs finaux vont être de plus en plus amenés à attaquer en justice les enseignes pour non respect des normes environnementales. Or, si le franchisé est directement concerné par ce risque, in fine c’est la réputation de l’intégralité du réseau de franchise qui risque d’être mise à mal.
Dès lors, pour créer un réseau durable, il est impératif de prendre en compte les normes environnementales et de prévenir les risques juridiques qui y sont liés.
Dans ses relations avec ses fournisseurs, le franchiseur doit là encore faire attention à ne pas négliger les problématiques environnementales et ne pas hésiter à les interroger sur la conformité des produits aux différentes réglementations applicables. Pour Gilles MENGUY, cette tâche revient au directeur des achats qui, lors de ses négociations avec ses fournisseurs, doit prendre en compte ces considérations. Il doit notamment intégrer les règles posées par le règlement européen REACH car les fournisseurs non européens n’en ont pas forcément connaissance.
Une des solutions pour le franchiseur peut consister en la création d’un service de coopération commerciale facturé aux partenaires fournisseurs visant à suppléer à la carence du fournisseur dans sa relation avec l’unité économique qui vend le produit au consommateur final.
Conclusion : droit de l’environnement et obligations européennes (l’exemple de REACh) – par Elisabeth Lefranc, Ingénieur L’Oréal
Elisabeth Lefranc, ingénieur Conseil en Environnement chez l’Oréal, est venue partager son expérience en exposant les règles fixées par le règlement européen REACh (Registration, Evaluation and Authorization of Chemicals) de 2006 et ses implications concrètes.
Ce règlement met en place un système intégré d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restrictions des substances chimiques. Si REACh s’intéresse au départ à ces seules substances chimiques, il tend finalement à s’appliquer à tout type de produit puisque tout bien manufacturé est composé de substances chimiques (que ça soit au sein de son contenu ou de son contenant).
L’Agence européenne des produits chimiques (l’ECHA) a établi une liste des substances dites substances of high concern, c’est-à-dire les plus préoccupantes, lesquelles ne doivent pas dépasser un certain seuil.
L’obligation de conformité pèse sur l’importateur (celui qui réalise le dédouanement) ou sur le fabricant lorsque celui-ci est situé au sein de l’Union européenne. Notons que la charge de la preuve de la sécurité des substances chimiques fabriquées ou commercialisées appartient non plus à l’administration mais aux industries, lesquelles doivent auto-justifier l’utilisation des substances chimiques.
Le texte du règlement européen prévoit plusieurs échéanciers, l’objectif étant d’instruire rapidement les dossiers concernant les substances chimiques les plus utilisées. Ainsi, d’ici fin 2013, les entreprises françaises produisant ou important entre 1000 et 100 tonnes de substances chimiques par an doivent procéder à un enregistrement auprès de l’ECHA, laquelle évalue le risque environnemental en cumulant l’ensemble des données au niveau européen.
Il convient de noter qu’il existe une zone rouge en termes de confidentialité des données puisque REACH impose la création de réseaux d’échange d’informations entre les fournisseurs et les concurrents sur les substances chimiques utilisées.
Par ailleurs, le risque premier de ce dispositif est le risque de confiscation des produits par l’inspecteur des douanes en vue de vérifier la conformité à REACh. Une fois que le produit a passé la douane, le risque principal est médiatique. Des ONG peuvent être amenées à acheter un produit, à le tester, et à médiatiser les résultats.
Le règlement REACh prévoit un droit d’information (right to know) au profit des consommateurs, lesquels peuvent se rendre dans un magasin et demander des informations au vendeur sur la composition de tel ou tel produit. La réponse doit venir sur le lieu du point de vente. Le distributeur dispose alors d’un délai de 45 jours pour répondre. Ce délai très court suppose que le distributeur puisse bénéficier de l’information, ce qui en pratique l’amènera à se retourner vers sa source d’approvisionnement, c’est-à-dire son fournisseur, qui lui-même devra s’informer auprès du fabricant. Si les particuliers utilisent très peu ce droit à ce jour, les actions des associations de consommateurs risquent de se multiplier.
Il convient de relever que les fabricants non établis au sein de l’Union Européenne ne sont pas soumis à ce devoir d’information. L’obligation pèse alors sur le seul importateur. Si le texte ne prévoit aucune sanction en cas de non réponse, il n’en demeure pas moins que l’enseigne risque de voir son image de marque ternie.
Pour Gilles Menguy, le règlement REACh peut être une arme utilisée de manière subtile par un franchisé mécontent à l’encontre de son franchiseur, le contraignant à communiquer la composition des produits vendus au sein de son réseau.
Le droit de l’environnement intervient également en matière immobilière, notamment dans le domaine de la construction avec une nouvelle loi entrée en vigueur le 1er janvier 2011 sur les bâtiments labellisés BBC (basse consommation). Aussi, la réalisation d’un audit préalable est très fortement recommandée lorsqu’une entreprise souhaite acquérir un site ou un bien immobilier. En effet, en présence de sites et sols pollués, seul l’actuel propriétaire des lieux est légalement responsable et ce même si la pollution est antérieure à la vente, d’où l’importance de l’insertion d’une clause de garantie d’actif et de passif environnemental dans l’acte de vente.
Si l’Australie et le Canada restent les pionniers en matière de droit de l’environnement, il est intéressant de relever que le règlement REACh était devenu une sorte de référence au niveau international, puisque des politiques environnementales assez proches émergent dans d’autres pays, notamment en Chine ou en Corée.
A ce jour, le dispositif REACh est une usine à gaz administrative basée sur le principe « No data, no market » : une entreprise qui ne serait pas à même de fournir les informations requises en termes d’utilisation de substances chimiques est susceptible de voir son marché fermé.
Par conséquent, les petites entreprises comme les plus grandes ne doivent pas négliger le dispositif REACh et ont tout intérêt à bien anticiper les problématiques environnementales.
LE CEDRE