Atelier du CEDRE Mardi 12 mai 2009 : Franchise et procédures de sauvegarde
Témoignage de Monsieur Brice NOIRAULT (ex développeur Bois & Chiffons), repreneur du réseau Les Couleurs du Temps :
Cet atelier très technique a permis à l'auditoire de découvrir les nouvelles astuces pour la reprise de réseau dans le cadre des procédures de sauvegarde et de liquidation judiciaire.
Un ancien directeur de réseau de retour au Cèdre,
Monsieur Emmanuel Jury, directeur de réseau ATOL .
Monsieur Emmanuel Jury, directeur de réseau ATOL .
Un jeune mandataire judiciaire très représentatif
de la nouvelle génération, compétent, objectif
et respectueux d'une éthique.
de la nouvelle génération, compétent, objectif
et respectueux d'une éthique.
Edouard Falguières, Physiomins;
Arnaud Fouché, PORTE (le célèbre enseigniste);
Brice Noirault, Les Couleurs du Temps (un ex directeur de réseau, devenu franchiseur)
Compte-rendu Franchise et procédures de sauvegarde
Introduction
Dans le contexte économique actuel, un bon développeur ne doit pas minimiser la source d’information que constitue la reprise d’un réseau de franchise. En période de crise où certains réseaux connaissent des difficultés économiques, l’atout majeur pour un entrepreneur est de connaître l’information avant tout le monde (exemple du groupe BERTRAND qui a repris le groupe INBEV : « Au bureau », « Café Leffe »…). C’est pourquoi, l’échange avec un réseau de liquidateurs est à privilégier car il permet de connaître les « bons dossiers ». Ensuite, la négociation permet de reprendre et même de développer tout un réseau. En présence d’une société en liquidation judiciaire, cette étape est importante car seule la voie du consensus permet au franchiseur de reprendre les franchisés. Petit bémol à noter sur ces éventuelles opportunités de reprise : il est vivement conseillé que le repreneur soit un professionnel de la franchise car c’est un rachat spécifique et technique qui demande beaucoup d’énergie et de temps.
Intervention d'Antoine BERNHEIM, Avocat à la Cour :
Les procédures collectives sont un aspect du droit qui doit être perçu comme un outil de reprise, de gestion. Devant le tribunal de commerce, le droit mais aussi la vie économique sont pris en considération, ce qui permet d’imposer au juge des schémas, des plans qui soient économiquement viables.
En 2005, la réforme des procédures collectives a eu pour objectif d’accentuer le volet prévention par l’avènement de la procédure de sauvegarde.
En 2007, on a recensé à Paris :
- 62 désignations de mandataire ad hoc
- 83 désignations de conciliateur
- 9 procédures de sauvegarde
- 3.344 liquidations judiciaires
- 289 redressements judiciaires (soit 8% seulement des ouvertures de procédures collectives)
En France, la conciliation est une procédure de « prévention » des difficultés de l’entreprise, destinée à trouver un remède simple, rapide et discret. Elle permet essentiellement de restructurer la dette dans un délai très court (4 mois uniquement prorogeable d’un mois). Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008, un délai de carence de 3 mois est requis pour toute nouvelle demande d’ouverture d’une conciliation. Dans le cadre d’un réseau de franchise, l’avantage de la conciliation est celui de la confidentialité, l’inconvénient est celui de la non-suspension des poursuites des créanciers comme c’est le cas en matière de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
S’agissant du redressement judiciaire, bien souvent c’est l’aspect social qui prime dans le choix du plan. Ce dernier est de deux ordres, soit on opte pour un plan de continuation soit pour un plan de cession On constate que le choix du plan de cession se fait généralement au profit des emplois (ex : le repreneur de Tati a licencié pour restructurer) mais au détriment des actionnaires. Ce qui distingue la sauvegarde de la procédure de redressement judiciaire, c’est le critère d’ouverture qui est étendu afin d’y avoir recours plus facilement. Aussi, pour ouvrir une procédure de sauvegarde, les difficultés ne doivent pas être obligatoirement de nature à conduire le débiteur en cessation des paiements. L’ordonnance du 18 décembre 2008 a ainsi eu pour objectif d’accentuer la prévention et de distinguer davantage ces deux procédures. Autre nouveauté de l’ordonnance de 2008 : on peut demander la nomination d’un administrateur.
Un tiers peut proposer la reprise de l’entreprise mais le débiteur reste maître de son redressement, il n’est pas possible de lui imposer une cession d’actif. En sauvegarde, la place des créanciers est privilégiée par l’institution de comités de créanciers.
Lorsqu’un réseau de franchise connaît des difficultés financières, et plus particulièrement le franchiseur, l’écueil à éviter est celui de vouloir couper les vivres aux franchisés en ne les approvisionnant plus. Dans une telle hypothèse, le dirigeant risque d’être inquiété en tant que « dirigeant de fait » puisqu’il existe un risque d’immixtion de sa part dans la gestion des franchisés. De plus, un réseau de franchise se valorise par rapport à ses franchisés, si ces derniers sont dans une situation difficile, la reprise du réseau en pâtira.
Un autre risque apparaît au travers la jurisprudence actuelle qui a récemment condamné la société Yves Rocher en requalifiant un de ses contrats de franchise en contrat de travail. En grossissant le réseau de franchise, le mécanisme de l’intégration se systématise. Tout particulièrement en matière de réseau de services à la personne, on est obligé d’intégrer pour contrôler d’où le risque de requalification. Il faut par conséquent diviser, compartimenter son réseau comme l’a fait le groupe Family Sphere.
Quel bilan peut-on faire de l'introduction de la sauvegarde dans notre droit, par Me Stéphane Gorrias, liquidateur judiciaire auprès du Tribunal de Commerce de Paris.
Nous n’avons malheureusement pas assez de recul depuis 2006 sur les effets de cette nouvelle procédure. Jusqu’à présent, la sauvegarde se terminait toujours par un redressement judiciaire, on espère aujourd’hui qu’elle devienne une procédure autonome.
Au niveau des chiffres, pour le premier trimestre 2009 : 706 procédures de sauvegarde ont été ouvertes, c’est à dire presque autant que pour l’année 2008. Au niveau territorial, on peut constater une réelle différence entre les juridictions dans leur appréhension du critère d’ouverture d’une sauvegarde. La juridiction parisienne est en effet plus restrictive dans son interprétation que la région Rhône Alpes par exemple.
Dans le contexte économique actuel, les dirigeants ont peut être plus envie d’anticiper les difficultés en forçant les banques à leur accorder du crédit pour la durée du plan. En quelque sorte, on peut dire de la procédure de sauvegarde qu’elle est un système intelligent pour éviter un endettement méchant.
Le mandataire judiciaire a une activité définie par le tribunal ou par des mandats amiables (10%). Son rôle est de représenter les créanciers par la vérification des créances, de réaliser l’actif s’il joue aussi le rôle de liquidateur afin de procéder à sa répartition entre les différents créanciers et de représenter les AGF.
Le principal actif du fonds de commerce est le droit au bail or, on ne peut le céder. Depuis le 15 février 2009, il existe en droit français un régime de poursuite du contrat de bail, autonome par rapport aux autres contrats, qui peut constituer une arme puissante pour le franchisé.
Comment un franchiseur doit-il préparer sa mise sous sauvegarde ?
Mode d'emploi : Pour mettre rapidement en place sa sauvegarde, il faut avoir une vision claire et lisible des échanges et flux qui s’opèrent au sein du réseau. Le but est de connaître l’état réel de sa société.
La rapidité de la mise sous sauvegarde va aussi dépendre de l’enjeu et de l’importance du réseau. Des mesures de prévention sont recommandées afin que la communication interne facilite la mise en œuvre de la procédure.
L’exemple du réseau PHYSIOMINS :
Le redressement judiciaire du groupe a conduit à une reprise judiciaire de la marque, du personnel et d’une certaine valorisation du stock de produits. 46 franchisés sur 78 ont été conservés suite aux souhaits du franchiseur ou du franchisé. Une telle reprise (c’est généralement le cas) nécessite beaucoup de capital, élément qui ne doit pas être négligé par le repreneur.
Le redressement judiciaire du groupe a conduit à une reprise judiciaire de la marque, du personnel et d’une certaine valorisation du stock de produits. 46 franchisés sur 78 ont été conservés suite aux souhaits du franchiseur ou du franchisé. Une telle reprise (c’est généralement le cas) nécessite beaucoup de capital, élément qui ne doit pas être négligé par le repreneur.
Ici encore, comme en matière de sauvegarde, la transparence et la communication sont à privilégier que ce soit de la part du mandataire ou des repreneurs (en cas d’appel d’offre, la publication sur internet est obligatoire).
Comment reprendre un réseau de franchise après un dépôt de bilan ?
La cession forcée du contrat de franchise n’est pas toujours possible. Dans ce contexte, des repreneurs intéressés vont rentrer en contact, soit directement, soit indirectement par l’administrateur judiciaire, avec le réseau pour aboutir à une situation tripartite.
Le meilleur moyen est peut être de reprendre en bloc la marque, le logo, les licences…tout ce qui a trait au savoir faire du franchiseur. Mais parfois, sous la pression et la perte de confiance des franchisés, la reprise va se faire en plusieurs étapes. Dans un premier temps, ce sera la marque, l’enseigne qui seront récupérées avant de renégocier les contrats de franchise individuellement. Cette démarche en plusieurs étapes est parfois profitable. En effet, lorsque les droits au bail diminuent, la négociation pour le repreneur devient plus facile…
Témoignage de Monsieur Brice NOIRAULT (ex développeur Bois & Chiffons), repreneur du réseau Les Couleurs du Temps.
Le réseau Les Couleurs du Temps a connu une procédure de sauvegarde puis de redressement judiciaire ouverte le 2 octobre 2009. Dans ce contexte difficile, une reprise des titres a été proposée. La société a subit une profonde restructuration avec une perte de 50 % de ses franchisés et une division par 3 de ses points de vente passant de 60 à environ 20 aujourd’hui. L’une des forces du réseau qui en a notamment permis la reprise, est l’existence de ses 8 magasins intégrés.
Selon le repreneur du réseau, la meilleure forme de reprise a été la cession des actions couplée avec l’étalement du passif sur 10 ans et le refinancement du stock. Il précise que le remboursement mensuel du passif était une condition du plan de cession. De même, la consignation de l’argent a permis de sécuriser toutes les parties pendant la période de restructuration.
Actuellement, la situation de la société – mère est redevenue stable. Cet exemple montre la possible réussite de la reprise d’un réseau de franchise en faillite et la « bonne affaire » subséquente qui peut en résulter. En effet, une telle reprise permet de gagner jusqu’à 4 à 5 ans.
La difficulté d’un tel mécanisme est principalement l’attente car on doit tenir en haleine des salariés jusqu’au moment où la reprise va être actée. Il faut en outre se projeter dans le temps, c’est-à-dire calculer sa prise de risque. Si un redressement judiciaire existe, c’est que des points clés du réseau sont défaillants, il faut donc les déceler avant de se lancer dans tout projet. A contrario, il faut aussi savoir débusquer un actif intéressant, comme par exemple l’existence d’un stock important permettant de financer sa trésorerie.
Quels sont les pièges qui peuvent être évités ?
Dans la prise de risque, il faut toujours être méfiant et se poser beaucoup de questions sur l’état réel de la société. Il faut notamment vérifier la mise à jour des loyers, des contrats de baux, des engagements de cautions, du règlement des salaires par l’AGS... Il faut aussi s’interroger sur les différentes filiales de la holding, sur la propriété des marques, sur la possibilité de reprise des salariés et la signature d’un pacte de non - agression…
En somme, pour une opération de reprise comme celle du réseau Les Couleurs du Temps, il est conseillé d’être entouré de spécialistes car certains problèmes requièrent un œil expert en la matière. Il faut en outre savoir démêler les vraies créances de celles qui sont forcloses ou artificielles pour gagner beaucoup d’argent sur le passif de la société. L’expérience en la matière est très rapidement appréciée et permet d’éviter les mauvaises surprises… Mais gardons à l’esprit qu’un repreneur est avant tout un entrepreneur à savoir celui qui a le goût du risque.