Olivier Gast et les parfumeurs




Un jour de l’année 1991, le délégué général de l’AFPCB, émanation de la Fédération des parfumeurs indépendants, Monsieur Jean-François DELAJOUD avait consulté Olivier Gast pour mener une réflexion sur une labellisation possible des parfumeurs indépendants intitulés « marque collective, parfumeurs conseils, la beauté c’est notre métier ».
10000 parfumeurs indépendants représentant la parfumerie sélective en France – secteur prospère et content – étaient vassalisé par leurs suzerains : les grandes marques de luxe. Les parfums Chanel, Dior, Givenchy, Hermes, Lancome, Azzaro, Armani…
Comme dans la pharmacie, les groupes industriels faisaient tout pour : « diviser pour mieux régner ».

Olivier Gast, Spécialiste des franchises et groupements, et donc des regroupements de commerçants indépendants, des distributeurs, cherchait un rééquilibrage, des forces et des pouvoirs, entre producteurs et distributeurs. Au même moment un discounter M. Marionnaud avait ouvert la brèche involontairement. En utilisant les textes européens pour distribuer en France des parfums de marque de luxe à prix discount par des réseaux parallèles implantés sur les territoires de l’Union Européenne, M. Marionnaud avait provoqué le tsunami. Les marques en sous-main favorisaient d’ailleurs cette distribution parallèle alors qu’elles venaient enfin d’obtenir une jurisprudence de Bruxelles reconnaissant la validité juridique du contrat de distribution sélective (les fameuses affaires Yves-Saint-Laurent et Givenchy, cf art. d’Olivier Gast : La distribution sélective et la franchise en co-auteur avec Madame Hayette Grillault Laroche, Directeur Juridique de la Fédération des Industries de la Parfumerie, la FIP).

Ces courants contraires ont sonné le glas du contrat de distribution sélective qui était censé protéger les marques de luxe et les parfumeurs indépendants.
Cette réalité est devenue un vrai cas d’école.
En effet, en cinq ans ce secteur d’activité est passé du pouvoir des grandes marques au pouvoir de la distribution. En organisant des chaînes de franchise dont Olivier Gast a été le promoteur et le théoricien enthousiaste, il a provoqué ce basculement des pouvoirs. En créant la première franchise en parfumerie, Process Blue, Olivier Gast a apporté son savoir-faire à six autres réseaux :
- Nocibé
- Elytis
- Passion Beauté
- Beauté Actuelle
- Beauty Success
- Et le nouveau Marionnaud (sans M. Marionnaud qui avait été éjecté par la famille Frydman)

Concrètement cela voulait dire qu’une fois par an les grandes marques se trouvaient obligées de négocier avec les têtes de réseaux sur les points de marge de chaque parfum. Négociations âpres et impitoyables. Il y avait 7 - enseignes - chaînes nationales environ qui se sont partagées les 10 000 parfumeurs indépendants lesquels, trouillards et un peu myopes, se sont prêtés au jeu du « sauve qui peut » en se jetant dans les bras de ces franchiseurs eux-mêmes « barons en parfumerie » (parfumeurs possédant une dizaine de parfumeries) à partir desquels, c’était leur coté malin, ils ont franchisé ces parfumeurs indépendants. Tous sauf Séphora sont passés entre les mains d’Olivier Gast pour se faire endoctriner à l’idéologie franchise !!!

Cinq ans après (1995-2000), il ne restait plus que quelques centaines de parfumeurs indépendants, évolution sidérante d’un marché, s’il en est…
Mais, et se fut la dernière phase, mondialisation et baisse du pouvoir d’achat aidant, ces réseaux de franchise en parfumerie se sont vendus à d’autres groupes, en faisant ainsi fortune.
Ces quelques malins grâce à ce levier ont fait des petites fortunes en l’espace de 5 à 7ans. Elytis vendu à Douglas, Process Blue vendu à Nocibé, Passion Beauté vendu à Marionnaud et Marionnaud au milliardaire chinois Li Ka-Shing. Ces grands groupes ayant acquis ces enseignes nationales et souvent de même puissance financière que les groupes propriétaires des grandes marques comme Chanel, Guerlain, Hermès, Givenchy, Lancôme (l’Oréal) allaient s’affronter.

Seul LVHM avait vu le coup venir en créant Séphora et se trouvant, en conséquence, producteur et distributeur en même temps. La boucle était bouclée.
Ce combat de géant n’a donc pas forcément, tant s'en faut, tourné à l’avantage des grandes marques de luxe qui aujourd’hui courbent l’échine (arroseur arrosé ou suzerain devenu vassal !) devant les forces nouvelles de la distribution intégrée.
En effet les groupes ayant achetés les franchiseurs et/ou enseignes nationales ont transformé les franchisés en succursales, et font pression pour encore diminuer les marges des grandes marques.

Toutefois, dans ce secteur protégé et gâté, même les parfumeurs indépendants ont pour la plupart très bien vendu leurs parfumeries.

J’ai eu l’honneur et le privilège pendant cette période d’avoir été au carrefour de cette mutation diabolique de ce marché en franchisant ce secteur.
Les dindons de la farce, les quelques indépendants survivants, d’idéologie pure et dure, se sentent à présent encerclés. Eux qui à l’époque croyaient encore que les instances fédératives professionnelles cherchaient à les protéger en développant le fameux label de la parfumerie sélective et indépendante qui n’était en fait qu’un leurre.

Ce label : Parfumeur conseil, la beauté c’est notre métier, était géré par l’AFPCB, dont j’étais aussi l’avocat. C’était une émanation de la fédération des parfumeurs indépendants mais en réalité totalement instrumentalisé par la puissante FIP (Fédération des Industries de la Parfumerie).
Ce n’est que 10ans après que j’ai compris le double jeu des grandes marques de luxe qui n’avaient comme défense, somme toute, et à cette époque, en 1995, que de "laisser le temps au temps".

Bref gagner du temps en attendant la montée des flots.

Heureusement pour ces grandes marques elles ont trouvé leur salut, entendez par là retrouvez leur « grosse marge » sur les marchés chinois et asiatiques.

Mes 15ans passés comme Avocat Conseil des belligérants de ce secteur m’ont passionné et fasciné.

Je me rappelle encore de leur somptueux congrès Marrakech, Sardaigne….où les Guerlain, Chanel, Azzaro, Lancôme, Hermès rivalisaient en organisant les plus belles soirées de ce monde de luxe (ça me changeait des congrès de cuisinistes !).

En 1993, je me rappelle un certain M. Cabi Baer, ceinture noire de judo, parfumeur lorrain, 150kg de poids et président de la Fédération des parfumeurs indépendants, m’avait chargé avec le délégué général M. Dejaloud, ainsi que les éléphants de ce petit monde, M. Sarfati, M. Lavigne, d’inviter les pouvoirs publics.

Lors de ce congrès épique de l’année 1993 à Marrakech, pour le lancement du fameux label Parfumeur Conseil, la Beauté c’est notre métier, en parfumerie sélective, il fallait officialiser ce label. En réalité derrière ce label et les subventions largement octroyés par Bruxelles, la politique était d’engager un vaste plan de formation des petites vendeuses en parfumerie.

A l’époque, j’avais réussi à convaincre M. Philippe Cattiaux, le Directeur Général des services Centraux du Ministère du Commerce (le numéro 1 de cette administration) à participer à ce congrès.

J’ai eu à ce moment là mon heure de gloire !!!

Hélas, aujourd'hui plus de beaux congrès puisque plus de parfumeurs indépendants...

En conclusion, les pouvoirs publics et leurs interfaces professionnelles – les fédérations – se font souvent manipuler, aujourd’hui on dit instrumentaliser. En effet, cette coexistence d’intérêt divergeant, voir de non intérêt, ceux des fonctionnaires et des gestionnaires de fédérations, est remarquable. Quand je dis non intérêt, je me trompe car les fonctionnaires et les délégués des fédérations aiment le pouvoir et ont du mal à contenir leur "boursouflure de l’ego".

Mais heureusement leur pouvoir n’est qu’un mirage, une virtualité passagère.

Dans ce secteur je connais 5 ou 6 parfumeurs franchiseurs qui ont fait fortune en 10ans. Ils étaient en embuscade, ils avaient une vision réaliste de l’avenir du marché, ils ont su attendre leur heure. Monter très vite des réseaux, comme franchiseurs, avec pour certains des centaines de franchisés tout en faisant croire, aux instances fédératives, le contraire c’était leur astuce.

Bravo !

Par la force des choses, je suis devenu un spécialiste d’organisation professionnelle telle les fédérations, mais, j’aurai eu du mal à avoir ce talent de double jeu…



Olivier Gast, La presse et les parfumeurs

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