Comment évaluer financièrement un savoir-faire ?




Calcul du Good Will

L'importance du savoir-faire dans un réseau de franchise ne fait que se confirmer en droit européen et en Jurisprudence, mais alors que le droit semble avoir commencé à s'intéresser à cette valeur incorporelle (de plus en plus vitale dans une P.M.I : qu'est le know how), la question suivante se pose : comment évaluer financièrement votre savoir-faire ?
Si le savoir-faire est écrit dans un manuel opératoire, si ce savoir-faire est sérieux rentable, standardisé, substantiel et secret, il a une valeur irréfutable sur le plan financier.


A. Méthodologie

Trois méthodes peuvent être utilisées pour évaluer une société.
1. L'actif net corrigé.
2. La valeur de rentabilité.
3. Le pourcentage du chiffre d'affaires.


1. La première méthode fait référence à la notion de patrimoine. II s'agit d'ajouter tous les actifs de l'entreprise et d'en soustraire les passifs.
Cependant, on ne peut se contenter de prendre le bilan et d'en faire la somme, et ceci pour deux raisons:

- la comptabilité française est faite en coûts historiques. Il convient donc de réévaluer les actifs (immeubles, terrains...)

- la notion de «good will », qui est un concept élargi de la notion française de fonds de commerce, n'est en général pas prise en compte dans le bilan. Or, il s'agit bien souvent de l'actif principal de l'entreprise puisqu’il inclut :
- la clientèle.
- La notoriété.
- Le savoir-faire, la marque.
- Les brevets.
- Le management.
- L'organisation.
- Les réseaux de distribution


2. La seconde méthode consiste à capitaliser le revenu que procure l'entreprise à un coefficient multiplicateur (P.E.R.) qui varie, suivant le secteur d'activité et le taux de croissance de l'entreprise, pour obtenir une valeur de rentabilité.


3. Enfin, la troisième méthode est utilisée pour apprécier la part de marché d'une société; plus l'accès à un marché est difficile ou coûteux, plus la position existante d'une société est valorisée. Ainsi, le pourcentage de chiffre d'affaires est utilisé couramment pour les évaluations de commerce, les entreprises agroalimentaires..,


B. Cas particulier : la franchise

L'évaluation d'une société qui développe un réseau de franchise appelle quelques remarques complémentaires.
Si les méthodes d'évaluation peuvent être sensiblement les mêmes que pour les entreprises « classiques », en revanche les éléments à prendre en compte sont sensiblement différents.
Dans l'appréciation de l'actif patrimonial d'un franchiseur, l'élément déterminant consiste en la valeur du fonds de commerce, essentiellement de la marque et du savoir-faire.
Plus ces éléments sont reconnus et importants et plus le franchiseur va pouvoir attirer de nouveaux franchisés ; développer rapidement son réseau et toucher des royalties.
De même, un franchisé qui cherche à créer son affaire s'adressera en priorité à un franchiseur susceptible de lui apporter un savoir-faire complet (gestion, marketing, aménagement, formation) ainsi qu'une notoriété susceptible de créer de manière immédiate un volant d'affaires important.
Le montant des redevances et le droit d’entrée que le franchiseur sera prêt à payer sera largement fonction de la valeur du savoir-faire et de la marque du franchiseur.
Cette constatation nous amène à la méthode d'évaluation suivante: la valeur des incorporels d'un franchiseur est le total des sommes que les franchisés sont prêts à payer pour acquérir le savoir-faire et la marque du franchiseur.
Ainsi, compte tenu de la durée du contrat, nous estimons que la valeur d'implantation (v) est la suivante :

v = droit d'entrée * (chiffre d'affaires moyen « taux de redevance » nombre d'années)

Le « good-will » total serait donc le suivant : GW = v* nombre d'implantations.

En reprenant la méthode d'évaluation de l'actif net corrigé, nous estimons donc que dans le cas d'un franchiseur, qui n'a pas d'autre actif que son savoir-faire, la valeur de l'entreprise est égale à l'actif net majoré du good-will.
La valeur de rentabilité peut s'utiliser comme pour les entreprises « classiques » mais il nous semble qu'une décote doit être appliquée sur le coefficient multiplicateur (PER) dans la mesure où le franchiseur n'est pas prioritaire de son réseau de franchisés.
La même remarque s'applique à la méthode du pourcentage du chiffre d’affaires.


C. Cas pratique

La société X France a signé un contrat de master franchise Y en 1988 et a commencé à développer un réseau de franchise en 1989. Y est le troisième réseau mondial de nettoyage à domicile avec 1OOO points de vente répartis sur 4 continents et 32 pays. La marque Y existe depuis 1970 en Australie où elle est née mais n'existe en France que depuis la création de X France.

Il s'agit donc de l'implantion très récente d'une marque internationale, à très forte notoriété à l'étranger, qui commence seulement à devenir connue en France.

Cette remarque nous amène à dire que la valeur de l'entreprise: X France aujourd'hui et celle de son fonds de commerce sont dus pour l'essentiel à l'expérience et au savoir-faire accumulés dans les « modes d'emploi» du franchiseur et à l'assistance : qu'il va fournir aux franchisés plus qu'à la marque elle-même.

Au fur et à mesure que son réseau va se développer en France, c'est alors la marque qui deviendra prépondérante dans la valorisation de l'ensemble.


Calcul du Good Will

Le chiffre d'affaires moyen sur cinq ans d'une implantation est estimé à 1.485 KF (nous avons volontairement pris les prévisions de 1992 à 1996 dans la mesure où le chiffre d'affaires moyen augmente chaque année ce qui est logique compte tenu de la jeunesse du réseau).

 19921993199419951996
Nombre d'implantations5075100125150
CA Global (KF)61.70089.269140.877208.798286.648
CA moyen par implantation (KF)1.2341.1901.4091.6701.910


Selon la formule établie précédemment, la valeur moyenne d'une implantation est la suivante :
v = 50 KF + (1.485 KF* 5%* 5) = 421,25 KF

En 1992, il est prévu d'avoir 50 implantations.

Le Good Will serait donc de 50* 421,25 KF = 21.062 KF
Actif net corrigé:
= Actif net + Good Will
= - 5,395 KF + 21.062 KF
= 15.667 KF


Nous ne pouvons appliquer la méthode de la rentabilité pour 1992 dans la mesure où la société X France sera juste à l'équilibre.
En revanche, la société prévoit de réaliser un résultat avant impôt de 5,004 KF en
1993. Après un impôt théorique de 34 %, ceci représente un résultat prévisionnel de
3.302 KF. La valorisation calculée ci-dessus (15.667 KF) correspond à un P.E.R, de près de 5 sur le résultat prévu en 1993, ce qui nous semble cohérent avec ce qui se pratique dans ce type de transaction (services et franchise) et en intégrant la jeunesse de l'entreprise.

De même, la valorisation ci-dessus représente environ 25 % du chiffre d'affaires du réseau en 1992, ce qui nous parait en concordance avec ce qui se pratique habituellement.

Pour conclure, une valorisation du good-will à 21 MF nous parait raisonnable à condition de pouvoir confirmer les prévisions du business plan. La distinction entre le « savoir-faire » et la marque est difficile à établir et évolutive dans le temps.
Un partage 50/50 entre les deux nous semble concevable, ce qui porterait la valeur « savoir-faire » à environ 10 MF.


Olivier GAST
Avocat à la Cour de Paris
Rechercher un article
dans les archives