La distribution sélective et la franchise




2. Le droit à la sélection et la franchise

La franchise se définit comme une méthode de collaboration entre une entreprise, le franchiseur, d'une part, et une ou plusieurs entreprises, les franchisés, d'autre part. Elle implique pour le franchiseur :
- la propriété ou le droit d'usage de signes de ralliement de la clientèle: marque de fabrique, de commerce ou de service; enseigne, raison sociale, nom commercial, signes et symboles, logos;
- l'usage d'une expérience, d'un savoir-faire ;
- une collection de produits et/ou de services.
La conjonction originale de ces trois éléments forme le concept franchisable (22).*

Pour être qualifié comme tel, l'accord de franchise doit comporter au moins les trois éléments suivants :
• l'utilisation d'un nom ou d'une enseigne communs et une présentation uniforme des locaux et/ou moyens de commercialisation visés au contrat,
• la communication par le franchiseur au franchisé d'un savoir-faire,
• la fourniture continue par le franchiseur au franchisé d'une assistance commerciale ou technique pendant la durée du contrat.
Comme tout contrat entre entreprises juridiquement et économiquement indépendantes, le contrat de franchise est susceptible de constituer une entente au sens de l'article 81, § 1du traité.
Toutefois, les accords de franchise en général ont été exemptés sur le fondement de l'article 81, § 3 du traité par le Règlement de la Commission du 30 novembre 1988 (23). Ce texte énumérait un certain nombre de clauses caractéristiques de la franchise et fixait les limites dans lesquelles ces accords bénéficiaient de l'exemption (A). Ce Règlement était entré en vigueur le 1er février 1989 pour une durée de 11 ans.
Son arrivée à expiration à la fin de l'année 1999 a motivé pour partie la rédaction du Règlement général d'exemption des accords verticaux.
Adopté par la Commission le 22 décembre 1999, ce nouveau texte communautaire instaure un système d'exemption tout à fait différent, répondant au souci d'éliminer au maximum les contraintes administratives et de donner plus de liberté aux opérateurs économiques.
Toutefois, en accordant une marge de manoeuvre plus large, le nouveau Règlement ignore certaines spécificités de la franchise, en la diluant dans la masse des accords verticaux, et crée ainsi une relative insécurité juridique (B).



A. La reconnaissance du droit à la sélection et l'exemption des accords de franchise par le Règlement du 30 novembre 1988

Il est tout à fait normal que le franchiseur opère une sélection des candidats franchisés. La Commission de la concurrence avait relevé qu' « une formule de franchise peut permettre à un franchiseur d'opérer une certaine sélection parmi les candidats franchisés. Celle-ci correspond même à la vocation de ces accords qui s'appuient sur la diffusion d'un savoir-faire original » (24).
La CJCE, de son côté, a également souligné, « le droit pour le franchiseur de choisir librement les franchisés dont les qualifications professionnelles sont une condition pour établir et préserver la réputation du réseau » (25).
En effet, la collaboration qui s'instaurera entre le franchiseur et le franchisé, pour la mise en oeuvre du savoir-faire, nécessite que le franchisé soit apte à exercer l'activité envisagée, sous la marque commune, sans porter préjudice à l'ensemble du réseau, par une mauvaise exploitation.

La Commission a précisé que le franchiseur est « logiquement en droit de choisir librement ses partenaires et d'écarter les candidats qui ne lui paraissent pas remplir les conditions de qualification personnelle et professionnelle qu'il exige pour l'application de la formule qu'il a mise au point » (26), notamment lorsque le franchiseur forme lui-même les franchisés (Déc. N° 87/17/CEE de la Commission, 17 déc. 1986, Pronuptia, JOCE, 15 janv. 1987 (27), n° L 13, pt. 27, et Déc. N° 87/14/CEE de la Commission, 17 déc. 1986, Yves Rocher, JOCE, JO janv. 1987, n° L 8, pt. 41).
Le Règlement d'exemption des accords de franchise n° 4087/99 du 30 novembre 1988 avait notamment reconnu, le principe de sélection des franchisés comme inhérent à cette catégorie de contrats (2), tout en énumérant les clauses restrictives de concurrence qui constituaient un obstacle à l'exemption de l'accord (2).


1)    L'énumération des clauses blanches

Le Règlement n° 4087/88 avait repris les solutions dégagées précédemment par la CJCE en la matière: les obligations restrictives de concurrence contenues dans les contrats de franchise étaient exemptées tant qu'elles étaient nécessaires à la réalisation de l'avantage économique qui en découlait.

Par application aux contrats de franchise des principes du droit communautaire de la concurrence, la Commission avait écarté du champ d'application de l'article 81, § 1 (ex-85, § 1) du traité les restrictions nécessaires à l'exécution des contrats de franchise.
-    Tel était le cas de l'exclusivité territoriale par laquelle le franchiseur obtient du franchisé l'engagement de ne pas vendre en dehors de son territoire exclusif (l'interdiction de ventes actives). Corrélativement, le franchiseur s'engageait à ne pas s'installer sur le territoire concédé ni y installer un point de vente d'un autre franchisé. De ce fait, le marché se trouvait cloisonné au profit du franchisé. Cette clause a été jugée par la Commission comme nécessaire à la protection des investissements des franchisés et, par conséquent, admise dans les contrats de franchise.
-    Le Règlement restait fidèle à l'approche adoptée par la CJCE dans l'affaire Pronuptia en ce qui concerne les clauses de non-concurrence: les clauses qui interdisent au franchisé d'ouvrir pendant la durée du contrat ou pendant une période raisonnable après l'expiration de celui-ci, un magasin ayant un objet identique ou similaire, dans une zone où il pourrait entrer en concurrence avec un des membres du réseau, ont été jugées valables. Le Règlement y a ajouté la possibilité d'interdire au franchisé «d'acquérir des participations financières dans le capital d'une entreprise concurrente qui donnerait au franchisé le pouvoir d'influencer le comportement économique d'une telle entreprise ».
-    Consacrant encore ce qui a été décidé dans l'arrêt Pronuptia et dans les autres décisions, le Règlement a confirmé la validité de principe de l'obligation de confidentialité afin de protéger le savoir-faire secret qui n'est pas encore tombé dans le domaine public.
-    Au nom du maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau de franchise, le Règlement admettait la validité des obligations d'utiliser les méthodes commerciales et de suivre les normes du franchiseur et d'utiliser ses signes distinctifs. Pour s'assurer de la pérennité de son système de distribution et pour maintenir une image de marque identique sur tout le territoire où il exerce son activité, le franchiseur devait pouvoir contrôler que les obligations souscrites par ses franchisés, étaient respectées. C'est pour ces raisons que le Règlement avait inclus dans la liste des clauses « blanches » la possibilité pour le franchiseur d'effectuer des contrôles des locaux, y compris des produits vendus et des services fournis ainsi que des inventaires et des états financiers du franchisé.
-    L'obligation d'approvisionnement exclusif a été prohibée sauf exceptions dûment justifiées. Notamment, il pouvait être fait obligation au franchisé de s'approvisionner exclusivement auprès du franchiseur ou des tiers désignés par lui si, en raison de la nature des produits, il était impossible d'appliquer les spécifications objectives de qualité. Il est évident qu'un contrat de franchise comme tout contrat commercial doit se traduire sur le terrain par la réalisation de certains objectifs commerciaux. Parmi les techniques utilisées pour y parvenir le Règlement a validé :

• l'obligation de détenir et d'offrir à la vente un assortiment minimal des produits;
• l'obligation de réaliser un chiffre d'affaires minimum ;
• l'obligation de détenir un stock minimal de produits. Le Règlement a également admis le principe de sélection opérée par le franchiseur vis-à-vis des candidats-franchisés, ainsi que les clauses liées à ce principe, à savoir :
• le caractère « intuitu personae » du contrat de franchise;
• les clauses d'agrément-préemption en cas de cession du fonds de commerce.



2) Les clauses noires

La présence d'une de ces clauses viciait irrémédiablement les contrats de franchise et excluait toute possibilité d'exemption. Le Règlement a ainsi prohibé les clauses suivantes :
-    l'interdiction des livraisons croisées entre les franchisés du même réseau ;
-    la pratique des prix minima de revente imposés (les prix de revente conseillés étant eux autorisés) ;
-    l'interdiction faite au franchisé d'utiliser, après l'expiration du contrat, le savoir-faire transmis, si celui-ci est tombé dans le domaine public par le fait du franchiseur ou des tiers.

Le Règlement n° 4087/88 offrait aux entreprises une grande sécurité juridique mais limitait considérablement leurs possibilités d'action sur le marché ainsi que l'évolution et la création de nouveaux types de contrats. Une telle approche a été récemment critiquée par la Commission dans sa Communication (28), comme «formaliste et asphyxiante ». Pour remédier à cet inconvénient majeur couplé à l'absence de prise en compte du pouvoir du marché et à une exemption par catégorie trop étroite, la Commission a souhaité « trouver un nouvel équilibre entre une démarche plus orientée vers l'économie et un niveau raisonnable de sécurité juridique» (29). Cette démarche a abouti à l'adoption du nouveau Règlement général englobant toutes les restrictions verticales dans la distribution des Biens et services.

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(28) Communication sur l'application des règles de concurrence communautaires aux restrictions verticales (suivi du Livre Vert sur les restrictions verticales n° 98/C 365/03, JOCE, 26 nov., 1998 n° 365, p. 3.
(29) Communication précitée, p. 18.



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