Playdoyer pour une révision de la notion de savoir faire en matière de franchise



 
II. Pour une redéfinition du savoir faire en "savoir-réussir"

Le constat est fait : la notion juridique du savoir-faire est inadaptée.

Il faut élaborer une nouvelle définition. Tout l'intérêt du propos est de donner du savoir-faire, élément fondamental du contrat de franchise, un accès à la fois plus juste et plus pratique.

Devant l'échec d'un certain nombre de réseau de franchise et les remises en cause récentes du système de distribution, il est vital de redéfinir la notion clef du contrat de franchise du savoir-faire, et de donner aux futurs franchisés les moyens concrets de débusquer les bons franchiseurs.

Il est indispensable d'adopter aujourd'hui du savoir-faire.


A. Définition du savoir-réussir

Le savoir-réussir est l'association de deux savoir-faire.

Il s'agit de la notion classique du savoir-faire en matière de franchise comme comprenant l'ensemble des connaissances techniques, commerciales, et administratives nécessaires à l'exploitation de l'entreprise.

Selon le règlement d'exemption par catégorie des accords de franchise, le savoir-faire lié
au concept doit satisfaire trois conditions. Il doit être:
- identifié,
- substantiel,
- et secret

Mais au-delà des définitions juridiques, pour conférer un réel avantage aux franchisés ce
concept doit avoir été expérimenté et standardisé. Un franchiseur ne peut difficilement
prétendre posséder cette expérience s'il n'a pas testé son produit dans plusieurs points de
vente et pendant un temps suffisamment long. Le franchiseur doît non seulement maîtriser le produit mais aussi l'ensemble du marché.

Aussi, notre eXDérience nous a permis de dégager la règle des « troîs-deux» (1). L'un des
indices les plus sûrs pour dépister une franchise sérieuse est l'existence de trois pilotes
ayant deux années minimum d'activité. Et lorsque nOus disons ( "trois pilotes"), nous
considérons que, sur ces trois pilotes (ou laboratoires), où doit se trouver à Paris, un autre dans une grande ville et un troisième dans une ville de moyenne taille.

Cette règle n'a pas la prétention d'être absolue. Mais avant de s'engager, tout candidat
franchisé devrait notamment retenir ce critère pour apprécier la solidité du savoir-faire lié au concept qu'il envisage d'exploiter.


B. Un savoir-faire lié à l?organisation du franchiseur : les 5 métiers du franchiseur

Rappelons que ce savoir-faire n'est cité ni par la réglementation, ni par les théoriciens de la franchise, ni même par ces praticiens. Il s'agit d'un concept novateur bien que fondamental.
Le savoir-faire organisationnel est un savoir-faire particulièrement riche aussi important
que le savoir-faire lié au concept et certainement plus difficile et coûteux à acquérir.
Pour être un bon professionnel, le franchiseur doit être capable d'exercer « les 5 métiers du franchiseur» (2).

1er métier : Le marketing concept.

Il s'agit du métier le plus souvent cité. Il est à l'origine du contrat de franchise, mais doit perdurer une fois le savoir-faire lié au concept transmis. Il consiste pour le franchiseur à faire évoluer son concept selon les attentes des consommateurs et les données conjoncturelles.
Pour cela le franchiseur dispose de trois outils :
- des pilotes pour expérimenter les innovations. Le franchiseur ne doit pas se contenter d’avoir de nouvelles idées, il doit les tester, les modéliser. Les magasins pilotes le permettent.
- le dialogue avec les franchisés pour collecter les innovations nées sur le terrain,
- les études de marché pour anticiper les évolutions.

2e métier: Développeur de réseau.

Pour qu'une franchise réussisse, il est indispensable que le franchiseur développe son réseau et le développe harmonieusement. Ce n'est pas chose évidente.
Il est nécessaire que le franchiseur dispose de structures relativement importantes et organisées.
Une nouvelle fois il est utile de rappeler qu'on ne devient pas franchiseur du jour au lendemain. Cela nécessite du personnel, du temps et de l'argent. Cela nécessite des investissements. Investissements rentables peut-être, mais investissements tout de même.
La notion du savoir-faire habituellement retenue est dangereuse car elle passe totalement sur cet aspect temps et argent.
Le franchiseur doit être capable :
- de sélectionner les sites susceptibles de s'adapter au concept,
- d'acquérir des sites,
- de construire des unités franchisées,
- de vendre sa franchise,
- de sélectionner les franchisés,
- de les former.

Or en pratique, il est rare que le franchiseur sache exercer tous ces métiers. Le savoir avant de conclure un contrat de franchise pourrait permettre d'éviter l'échec. C'est tout l'interêt de cette controverse.

3e métier : Animateur-promoteur-contrôleur de réseau.

C'est le métier central et fondamental du franchiseur.
Son savoir-faire est là essentiel à la vie du réseau et à son développement.
Le franchiseur ne doit pas se contenter de vendre sa franchise.
Une fois vendue, il doit encore l'animer. Or vendre et animer une franchise sont deux métiers différents que les franchiseurs ont souvent tendance à confondre.
Ce métier nécessite que le franchiseur :
- gagne la confiance de ses franchisés en allant les voir plusieurs fois par an,
- contrôle avec beaucoup de soin le respect par les franchisés du savoir-faire transmis et de l'image de marque,
- ne cesse de faire la promotion de son système de franchise.

Le franchiseur ne doit pas confondre tous ces métiers. Il doit les exercer tous.
Mais contrôler les franchisés d'un côté et promouvoir le concept de l'autre peut paraître parfois incompatible. C'est pourquoi le franchiseur doit prendre soin de confier ses tâches à des personnes différentes au sein de son personnel afin d'éviter toute confusion.

4e métier : La logistique

Ce savoir-faire consiste à approvisionner le réseau en produits dont les magasins franchisés ont besoin. Ce souci peut paraître évident, mais il est fondamental. Les carences d'approvisionnement nuisent de manière grave à l'image de marque du réseau.

Pour satisfaire les besoins d'approvisionnement, le franchiseur doit là encore disposer d'une organisation structurée. Tout commerçant qui envisage d'intégrer un réseau de franchise devrait s'assurer au préalable que le franchiseur sera capable d'assurer les commandes.

Cela signifie que le franchiseur doit être capable très précisemment d'approvisionner ses franchisés de la marchandise qu'ils demandent :
- pour la qualité et les quantités demandées ;
- en respectant les délais de livraison au contrat ;
- et à des conditioos plus avantageuses que si les franchisés s'approvisionnent seuls.

5e métier : la capacité d'être à la fois un gestionnaire et un leader.

Ce 5e métier résume et reflète à lui seul toute la difficulté d'être franchiseur. Il s’agit de trouver un équilibre entre les impératifs d'une bonne gestion et la nécessité d'animer le réseau Le franchiseur doit combiner vision à court terme et vision à long terme.
S'il y a déséquilibre, les franchisés seront mécontents, dans un cas parce que le réseau est mal géré et qu'ils ne font pas assez de profits, dans l'autre, parce gue le réseau manque de dynamisme et de notoriété et souffre d'une gestion trop rigoureuse.
Le savoir-réussir est la conjonction du savoir-faire lié au concept et des cinq métiers du franchiseur relatifs à son organisation.


C. Caractéristiques du savoir-réussir

Une fois le contenu du savoir-réussir exposé, il semble si riche qu'il parait étonnant que la doctrine ou les praticiens ne le mentionnent pas.

Mais cela est un fait, la nécessité de ce savoir-faire est ignorée.

Et, c'est là que réside tout le danger. Son existence est capitale pour qu'un système de franchise puisse espérer réussir et réussir dans la durée, il n'est pourtant jamais mis en évidence.
La loi l'ignore.

Les auteurs de doctrine et les diverses fédérations professionnelles existantes mentionnent bien de temps en temps que pour choisir un bon franchiseur, il doit s'assurer qu'il dispose d'une certaine structure. Mais ces conseils sont dans tous les cas partiels.

Ils ne mettent pas en évidence que le franchiseur doit disposer d'un véritable savoir-faire lié à son organisation.

Le franchiseur ne doit pas se contenter de disposer de certains moyens, il doit posséder tous les métiers du franchiseur.

Une carence portant sur un des métiers seulement peut entrainer l'échec de tout le réseau.

L'existence d'un savoir-faire d'organisation du franchiseur est donc :
- indivisible ;
- complémentaire du savoir-faire lié au concept;
- nécessaire et même indispensable.


CONCLUSION

La présente controverse a donc pour but de démontrer qu'un système de franchise doit comprendre non pas un savoir-faire, mais deux :
- un savoir-faire lié au concept franchisé
- un savoir-faire de l'organisation du franchiseur.

Deux savoir-faire sinon rien !

Le premier est transmis au franchisé dès la mise en place du contrat de franchise, le second est mis à sa disposition tout au long de son exécution.

Ces deux savoir-faire sont :
- distincts,
- complémentaires,
- aussi importants l'un que l'autre.

Ensemble ils constituent le "SAVOIR-RÉUSSIR".


Olivier GAST
Avocat à la Cour de Paris
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